1. Le blog bouleverse les rapports entre patron et salariés Son blog est devenu un modèle pour tous les chefs d'entreprise de la planète. Lorsque Jonathan Schwartz, le patron de Sun Microsystems, s'est lancé, il souhaitait s'adresser autant à ses actionnaires qu'à ses salariés. Alors, tout naturellement, il a ouvert une plate-forme technique destinée à l'interne. Aujourd'hui, les quelque 1 400 bloggers de Sun répartis dans le monde accèdent à leur espace à l'aide d'un simple mot de passe.
Et la confiance règne. Pas de contrôle, pas de filtrage, pas de dérapage. « Tous les sujets sont abordés, souligne Bruno Hourdel, le directeur marketing France. Mais si, aux Etats-Unis, le blog fonctionne comme un outil de cohésion interne, ce n'est pas le cas ici », rappelle-t--il. Car la transparence, élément fondateur du blog, n'est pas la principale vertu des entreprises de l'Hexagone. Hiérarchie lourde, sens du partage limité, méfiance réciproque entre les salariés et leur patron, les blogs d'entreprise se heurtent à de nombreux freins. Question de culture et de maturité. Tant qu'il s'agit de débattre de la pertinence de changer la machine à café, le blog reste un outil sympathique. Mais, si l'on veut aborder en toute franchise des sujets plus sensibles, comme l'organisation ou la stratégie de la société, l'affaire se corse. Et c'est l'omerta. Les vieux réflexes de prudence reprennent vite le dessus. Il n'y a plus qu'à espérer que les blogs servent de détonateur pour moderniser l'esprit d'entreprise.
2. Tout le monde peut avoir accès au blog de l'entrepriseA la différence de la page perso, la force du blog réside dans sa capacité à générer un dialogue ouvert. Mais, contrairement au blog privé, celui d'un salarié ou d'un patron est souvent protégé par un script incluant un code d'accès. Simple précaution pour empêcher des concurrents de venir fouiner dans la vie de votre boîte.
3. Le blog, c'est la liberté d'expression Contrairement au mail, qui peut être assimilé à de la correspondance privée, le blog évolue dans un environnement ouvert. Entre les dérapages de la part de salariés mécontents et la manipulation marketing pour vanter les atouts d'une boîte, il y a de la place pour l'autocensure.
« Je sais que les salariés ne se lâcheraient pas s'ils étaient lus par leur supérieur ou par les actionnaires », reconnaît Mihai Crasneanu, le fondateur de Glowria. Qui prendrait le risque de dézinguer publiquement son patron sachant qu'il s'expose à recevoir une plainte pour diffamation ou pour rupture d'une clause de confidentialité ? Cependant, la perspective de voir le salarié devenir acteur de la communication de son entreprise n'est pas forcément pour plaire au big boss. Photoways, Vecteur Plus, Sun Microsystems, Eurest, la quasi-totalité des sites d'entreprise ont ainsi décidé d'appliquer une charte éditoriale sur ce qui peut être publié ou pas. Et, en cas de litige, la censure s'établit la plupart du temps a posteriori.
Ainsi, un ingénieur de chez Microsoft a été licencié pour avoir montré sur son blog la société en train de se faire livrer des ordinateurs Apple... Côté blogs perso, la radio Skyrock, qui rassemble la plus importante communauté française avec plus de 2,5 millions de bloggers, a dû recourir à des cybercops (cyberflics) pour permettre aux internautes de signaler les abus ou les propos licencieux. Attention, on ne sait jamais qui peut se cacher derrière la réponse d'un autre blogger. Et nombreux sont ceux qui avancent masqués. Souvenez-vous que tous vos écrits resteront gravés à vie dans la mémoire d'un Google.
4. À terme, le blog remplacera l'intranetLe blog permet certes de conserver l'ensemble des infos échangées en interne et qui ne seraient plus stockées dans les messageries électroniques. Mais de là à remplacer un intranet... « Si Jonathan Schwartz avait voulu faire de son blog un outil de communication interne, il aurait utilisé le web du comité d'entreprise avec des mails anonymes », signale Bruno Hourdel, chez Sun. Peu d'entreprises de taille moyenne ont développé un intranet. Mémoire de la société, cet outil est surtout utilisé pour stocker des informations et pour en favoriser l'accès en circuit fermé. Le remplacer par un espace blog équivaudrait à ouvrir les dossiers à tous. A moins de le protéger par des mots de passe... comme le fait déjà un intranet. Même s'il faut reconnaître, comme Cyril Gouyette, le directeur marketing de Vecteur Plus, qu'« un intranet est plus lourd à gérer et beaucoup moins interactif qu'un blog ». Pour Mihai Crasneanu, le fondateur de Glowria, « il y a trop d'infos confidentielles dans une entreprise pour qu'on prenne le risque de provoquer des failles de sécurité ».
5. Un blog, vite fait, bien fait ! « On peut avoir un rapport pratique avec l'outil, confie Michel-Edouard Leclerc, coprésident des Centres Leclerc. Mais il faut éviter de se laisser prendre dans l'engrenage. Je consacre une demi-heure par jour au blog. Et encore, j'enregistre mes notes sur dictaphone, et ce n'est pas moi qui les tape. » Chronophage, le blogging ? Créer son blog prend à peine plus d'un quart d'heure. Mais le faire vivre nécessite une attention permanente.
Pour Eric Briys, il n'y a pas de fréquence idéale d'actualisation mais « le bon sens implique qu'il n'y ait aucune déshérence non plus ». Charles-Henri Dumont, PDG Europe de Michaël Page, écrit son blog entre deux avions. Mihai Crasneanu parle d'un plaisir addictif. Cyril Gouyette, lui, a proposé l'ouverture d'une plate-forme blog en interne et a reçu beaucoup de candidatures spontanées. « Leur seule réticence concernait l'organisation, se souvient-il. On m'a demandé si les articles seraient écrits pendant le temps de travail. Il a été décidé d'allouer un crédit temps de deux heures par mois. » Rien que ça !
Sources : L'entrepriseLibellés : Blog, Fabrice-Retailleau, Outil-de-management, Retailleau-Fabrice